Jussieu





L’état normal d’un homme est d’être un original… Tchékhov


1988-1989 Tchékhov

Mécanique d'imprécision :

Association culturelle de l'Université Paris 6 - Paris 7, "Mécanique d'imprécision" propose des Ateliers Théâtre animés par des comédiens professionnels. On y dispense un travail de formation, de recherche et de réalisation. Quand je suis arrivé en 1988, nous disposions, pour la pratique des activités culturelles, d'un vieux bâtiment aujourd'hui détruit ("Esclangon") et de l'amphi 24, aujourd'hui restauré en salle de spectacle.
Ces deux années furent pour moi un retour fort apprécié, au travail de base du comédien
. Je n'avais pas revu Tchékhov depuis mon premier stage de Wattignies en 1969 et je venais d'arrêter définitivement mes interventions au Lycée de Château-Thierry. Etudiante, Valérie, ancienne comédienne du Lycée et du Gradec, me contacte pour me parler de son expérience à Jussieu, au sein d'une Troupe Universitaire. Très vite, elle me propose de participer à leur travail. Tchékhov ! Un rêve ! J'ai tout de suite accepté de retourner faire "mes classes" à La Fac.
Ce sera le début d'une aventure qui durera six années.



Le théâtre de Tchékhov :

La première année, Anne-Marie Vennel et Jean-Luc Moisson, nos deux animateurs, nous propose d'aborder l'auteur sous tous ses aspects, mais déjà se dessine une préférence pour "La Cerisaie" et "La Mouette". Après une année d'exercices autour de différents personnages, il est décidé d'orienter notre recherche sur "La Mouette". Les rôles se précisent et j'aurais le plus grand plaisir à interpréter celui du "docteur Dorn". L'enthousiasme de la troupe est tel que nous imaginons pouvoir jouer le texte dans son intégralité. Malheureusement, faute de disponibilité, le projet sera revu à la baisse. En juin 89, sera présenté, Amphi 24, un "montage" des principales scènes de la pièce. Un peu décevant, je l'avoue, et frustrant.
Parallèlement à ce travail de création, nous poursuivons les exercices de "training" de l'acteur selon les méthodes de "Stanislavski" et de l'"Actors Studio". Ce sera pour moi l'occasion de renouer avec l'ambiance des stages des années 70 et de faire la connaissance d'une animatrice extra, la comédienne Nathalie Alexandre, dont je ne peux oublier le rôle de Camille Claudel qu'elle interpréta dans la mise en scène d'Anne Delbée.



Vie de Thékhov :

Anton Pavlovitch Tchekhov est né le 29 janvier 1860 (calendrier grégorien), à Taganrog, au bord de la mer d'Azov, en Russie. Ses parents sont des petits commerçants. D’une religiosité excessive, son père est un homme violent. Anton Tchekhov étudie la médecine à l'université de Moscou et commence à exercer à partir de 1884. Se sentant responsable de sa famille, venue s’installer à Moscou après la faillite du père, il cherche à augmenter ses revenus en publiant des nouvelles dans divers journaux. Le succès arrive assez vite. Il ressent très tôt les premiers effets de la tuberculose, qui l’obligera à de nombreux déplacements au cours de sa vie pour tenter de trouver un climat qui lui convienne mieux que celui de Moscou.
Bien que répugnant à tout engagement politique, il sera toujours extrêmement sensible à la misère d’autrui. En 1890, en dépit de sa maladie, il entreprend un séjour d'un an au bagne de Sakhaline afin de porter témoignage sur les conditions d’existence des bagnards. L'île de Sakhaline paraitra à partir de 1893. Toute sa vie, il multipliera ainsi les actions de bienfaisance (construction d’écoles, exercice gratuit de la médecine, etc.).
Ses nouvelles d’abord, son théâtre ensuite, le font reconnaître de son vivant comme une des gloires nationales russes, à l’égal d’un Dostoievski ou d’un Tolstoï.
Après avoir longtemps repoussé toute perspective de mariage, il se décide, en 1901, à épouser Olga Leonardovna Knipper (1870-1959), actrice au Théâtre d’art de Moscou.
Lors d’une ultime tentative de cure, Anton Tchekhov meurt le 2 juillet 1904 à Badenweiler en Allemagne. Au médecin qui se précipite à son chevet, il dit poliment en allemand : « Ich sterbe » (je meurs). Ayant refusé de l’oxygène, on lui apporte… du champagne, et ses derniers mots seraient, d’après Virgil Tanase : « Cela fait longtemps que je n’ai plus bu de champagne ». Ayant bu, il se couche sur le côté et meurt2. Le 9 juillet, il est enterré à Moscou, au cimetière de Novodevitchi.


Acte I Treplev Dorn
Acte II Nina Trigorine
 

Dorn : Je n’y comprends peut-être rien ou je suis devenu fou, je ne sais pas ; mais cette pièce m’a plu. Il y a là quelque chose… Quand cette petite fille parlait de sa solitude et que les yeux rouges du diable ont surgi, mes mains ont tremblé d’émotion. C’est frais, c’est naïf… Le voilà, je crois ! J’ai envie de lui dire beaucoup de choses agréables.
Treplev : (entre) Ils sont tous partis ?
Dorn : Moi je suis là.
Trepev : Macha me cherche dans tout le parc. Insupportable créature !
Dorn : Constantin Gavrilovitch, votre pièce m’a énormément plu. Elle est un peu étrange, je n’en connais pas la fin, et pourtant elle m’a fait une forte impression. Vous avez du talent. Il faut persévérer. (Treplev lui serre vigoureusement la main et l’étreint brusquement). Diable, que vous êtes nerveux. Vous avez des larmes aux yeux ! Je voulais vous dire ceci : vous avez choisi votre sujet dans le domaine des idées abstraites, et vous avez bien fait ; une œuvre d’art doit partir d’une grande idée. N’est beau que ce qui est grave. Mais comme vous êtes pâle !
Treplev : Ainsi vous croyez que je dois continuer ?
Dorn :Oui… Mais vous ne devez peindre que l’important, l’éternel. Vous savez que j’ai eu une vie variée, agréable, j’en suis satisfait, mais si j’avais éprouvé l’élan spirituel que les artistes connaissent pendant la création, il me semble que j’aurais méprisé mon enveloppe matérielle et tout ce qui la concerne, et je me serais envolé loin, bien loin de cette terre.

 
 

Nina : Etre romancière ! Etre artiste ! Pour mériter ce bonheur, je supporterais le manque d’affection de mes proches, la misère, les déceptions, je vivrais dans un grenier et ne mangerais que du pain noir ; je souffrirais de mes défauts, de mes imperfections, mais, en revanche, j’exigerais de la gloire… de l’authentique et retentissante gloire. (Elle se couvre le visage). La tête me tourne… Oh !
La voix de Mme Arkadina : (de la maison) Boris Alexéevitch !
Trigorine : On m’appelle… C’est sans doute pour faire mes bagages. Je n’ai pas envie de partir. (Il se tourne vers le lac). Quel paradis ! On est bien ici…
Nina : Voyez-vous cette maison et ce jardin sur l’autre rive ?
Trigorine : Oui.
Nina : C’est la propriété de ma mère, qui est morte. C’est là que je suis née. J’ai passé toute ma vie sur les bords de ce lac, j’en connais le moindre îlot.
Trigorine : Comme on est bien ici ! (Apercevant la mouette). Qu’est-ce que c’est ?
Nina : Une mouette que Constantin Gavrilovitch a tuée.
Trigorine : Un bel oiseau. Vraiment, je n’ai aucune envie de partir. Si vous pouviez persuader Irina Nikolaevna de rester encore ! (Il note quelque chose dans son carnet).
Nina : Qu’écrivez-vous ?
Trigorine : Ce n’est rien… Un sujet qui me vient à l’esprit. (Il serre son carnet)…

 

1990-1993 Les années d'animation



1990
: Les obligations professionnelles de Jean-Luc et Anne-Marie ne leur permettent pas de renouveler leur contrat avec la Faculté. Sur une proposition de Valérie, je suis contacté pour animer un des Ateliers Théâtre de Jussieu.
N'étant pas issu du milieu professionnel, c'est avec une certaine crainte que je vais accepter. Mais je ne pouvais pas ne pas saisir cette chance, qui sans doute, ne se reproduirait pas.
Après un entretien avec un administrateur de "Mécanique d'Imprécision", je propose un projet étalé sur deux années. Il me paraissait indispensable de travailler sur un sujet que je maîtrisais bien. C'est pourquoi je relance l'idée d'Yvonne Princesse de Bourgogne que j'avais expérimenté au Gradec..
Mais la réalisation n'est pas tout. M'adressant à des comédiens étudiants débutants, il me faut travailler sur la formation de l'acteur et faire preuve constamment d'innovation et de recherche. C'est peut-être cet aspect de notre pratique qui m'a le plus enthousiasmé durant ces quatre années.
La pédagogie de l'enseignement du théâtre a toujours été ma passion. Après toutes ces années d'expérience, Jussieu aura été pour moi le creuset dans lequel j'ai pu mêler toutes mes connaissances, une synthèse de tout ce que j'avais appris, théâtre, mime, expression corporelle, travail vocal, danse, relaxation et même l'eutonie dont j'utilisais certaine techniques pour les exercices relationnels.
Cet entraînement, indispensable à l'acteur comme le sont les gammes de la pianiste, peu de spectateurs en prennent conscience. C'est pourtant le point de départ de toute "bonne" création. Ce ne sont pas quelques exercices superflus destinés à "occuper" le temps mais un long chemin fait de détours et de pistes variées, afin de trouver la voie, jamais unique, vers le personnage que l'on veut interpréter.



1990-1991 :
Yvonne Princesse de Bourgogne de Witold Gombrowiz
Présentation au Festival International de Théâtre Universitaire de Lyon (Avril 1991)
1992 :
Les Immigrés de Jacques Kraemer
1993 :
Le Précepteur de Bertolt Brecht
d'après le pièce de Michaël Jakob Lenz




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